Aller au contenu
Entrevue avec Benoit Huot : Vivre avec l’anxiété
Accueil / Entrevue avec Benoit Huot : Vivre avec l’anxiété
Entrevue avec Benoit Huot : Vivre avec l’anxiété

Pour cette nouvelle entrevue, Guy Bourgeois, conférencier, formateur, motivateur et Président de Formax, reçoit Benoit Huot, multiple médaillé paralympique, président de Parasports Québec et conférencier chez Formax pour parler d’anxiété de performance.

ENTREVUE

Bonjour à tous ! Bienvenue au PepTalk mensuel. Aujourd’hui, je suis vraiment honoré de recevoir un athlète extraordinaire, mais aussi un ami et un très bon gars.

Avant de lui donner la parole, je vous le présente. Benoît Huot, médaillé paralympique. Il a remporté plus de 20 médailles paralympiques en cinq Jeux Paralympiques différents, 32 médailles en 6 championnats du monde et pulvérisé plus de 60 records du monde dans sa catégorie, évidemment la natation. Il est membre de l’Ordre du Canada et chevalier de l’Ordre national du Québec.
Bonjour Benoit, comment vas-tu ?

Salut Guy ! Ça va très bien, merci de me recevoir.

C’est un honneur ! Au-delà de ta belle carrière, je voulais mettre l’emphase aujourd’hui sur une période de ta vie. Tu as vécu énormément d’anxiété dans la pratique de ton sport. On s’entend, quand on est un athlète olympique ou paralympique et qu’on fait de l’anxiété avant d’aller plonger ou d’aller nager, ce n’est pas évident. Peux-tu nous parler de ton expérience et de comment tu t’en es sorti ?

Ça a été effectivement Guy, la période la plus sombre de mon parcours d’athlète. Puis on touche du bois parce que c’est un épisode dans ma vie que je n’ai pas revécue de façon aussi sévère. Pour faire une histoire courte, ça m’a frappé du jour au lendemain.

Alors, pour les gens qui n’ont jamais vécu d’’anxiété, c’est très difficile à saisir, à comprendre d’où ça vient et pas juste pour la personne qui le vit, mais pour l’entourage aussi. Ce qui est arrivé, j’avais vécu des contre-performances sportives.

Ça arrive à tout le monde, j’imagine bien !?

C’est tout à fait normal. Ça fait partie du processus de l’athlète. Puis là, on parle du sport, mais ça arrive au travail. Ça arrive dans la vie, ça arrive dans tous les milieux. Avoir des défis, des enjeux, des échecs.

Alors ça a été ça et, du jour au lendemain, je n’étais plus capable, non seulement de nager, et ça faisait plus de 20 ans que j’étais nageur à ce moment-là, mais je n’étais plus capable de mettre ma tête sous l’eau sans paniquer. Le simple fait de penser à la haute performance sportive dans mon sport me donnait des symptômes de panique. J’avais le souffle court, je n’étais plus capable de dormir, plus capable de manger.

Mais lorsque je n’étais pas la piscine, que je ne pensais pas à ça, ça allait plutôt bien. Je voyais le soleil et ce n’était pas toutes des idées négatives. Mais quand j’étais dans le sport, dans la natation, c’était toute une aventure et je n’étais pas très vieux comme athlète. Je n’étais pas à la fin de ma carrière.

J’ai donc dû aller chercher du l’aide. Mes entraîneurs ont vu mes réactions, ont vu comment j’étais, ont vu que je n’étais plus le même Benoît. Ils m’ont donc mis en contact avec un intervenant qui avait une expertise en anxiété de haute performance. Et puis là, on discute, on jase. On s’entend, ça ne s’est pas fait en une rencontre, ça a duré environ six mois. Six mois de hauts et de bas. Et pour vrai, pendant ces six mois-là, plus souvent qu’autrement, je pensais que ma carrière était terminée. Je pensais que je ne serais peut-être plus capable de nager, pour vous dire à quel point c’était intense.

Avais-tu connu des signes avant-coureurs ? Tu dis que c’est arrivé du jour au lendemain; tu as parlé de contre-performances. Les contre-performances peuvent amener une démotivation par rapport à la performance. Mais de là à ne plus mettre la tête dans l’eau… Y a-t-il eu d’autres éléments déclencheurs ?

C’est drôle que tu dises ça. Je n’en ai pas parlé souvent et la question ne me revient pas souvent. Mais en mars 2004, j’étais dans une compétition au Danemark, dans le 400 mètres libre, qui a été une de mes plus grandes épreuves et ça n’allait pas bien. La course n’allait pas super bien et j’ai eu un moment de panique durant la course lorsque je nageais. J’ai arrêté au mur – la course n’était pas complétée – et je n’ai pas été capable de terminer la course. J’avais seulement 20 ans. Mais l’épisode sévère est arrivé presque dix ans plus tard. C’était un sentiment très similaire à ce que j’avais vécu à ce moment-là, en 2004, mais qui s’est répété de façon beaucoup plus intense.

Et lorsqu’on parle de rétablissement, l’intervenante que je consultais m’a dit, après plusieurs mois : « Benoit, il faut que tu comprennes que l’anxiété va toujours faire partie de toi. »

Ce n’est pas facile à accepter. Tu te dis, bien donne-moi une pilule, donne-moi un remède. Lorsque tu as un bras cassé, on te met un plâtre et tu guéris.

C’est un peu ça qui est arrivé. J’ai dit : « Donne-moi une pilule, je veux passer au travers » et elle m’a répondu : « Non, il n’y a pas de pilules Benoit. Tu dois accepter le fait que ça fait partie de toi. » Et elle m’a partagé la métaphore suivante pour mieux comprendre.

La voici : « Imaginons que ta grand-mère t’a légué un meuble, un meuble qui fait partie de la famille depuis des générations, un meuble centenaire dont on ne peut malheureusement pas se départir. Vois-tu ton cerveau, ta tête ? Ton anxiété est au centre. Ton meuble, c’est l’anxiété. Et ton salon, à la maison, c’est ta tête. »

Regarde bien l’image : « Même si ta compagne à la maison n’aime pas ton meuble, tu ne peux pas t’en débarrasser. C’est comme ton anxiété, tu ne peux pas t’en débarrasser puisqu’elle fait partie de toi. Comment peut-on faire pour ne pas la mettre au centre de ton salon? Ton anxiété est au centre de ton cerveau. Mais lorsque tu laisses l’anxiété prendre le dessus, elle occupe tout l’espace. Elle est omniprésente. »

Et, elle ajoute : « Comment peut-on faire pour conserver ce meuble, tout en le gardant dans la famille ? Le mettre dans un coin, l’isoler, le cacher, lui mettre une belle nappe, le peindre, le rendre joli ? »

En d’autres termes, comment peux-tu vivre avec ?

Alors lorsque j’ai compris cette métaphore, Guy, ça été le moment où J’ai débuté la guérison et que j’ai accepté que l’anxiété allait toujours faire partie de moi.

À ce jour, je n’ai plus jamais vécu un épisode aussi sévère parce que je sais que c’est intrinsèque et que je suis comme ça.

Peut-être que tout le monde a un meuble comme ça, un héritage de la famille dans sa tête, dans son cerveau. Plus ou moins gros le meuble, selon les gens. Mais écoute, tu viens de nous donner une belle leçon de psychologie ou de contrôle de soi-même. C’est ce que je retiens et c’est hyper intéressant !
Merci beaucoup de nous avoir partagé ton expérience et on te souhaite de continuer à entretenir ton meuble, mais qu’il ne prenne pas trop de place dans ta vie et dans celle de tes proches.

Exactement ! C’est très gentil. Merci Guy pour les bons vœux, et c’est exactement ce qu’on fait depuis une dizaine d’années, depuis que cet épisode-là est passé.

Merci et bon succès !

En savoir plus sur Benoit Huot et ses conférences : https://formax.qc.ca/portfolio/benoit-huot-conferencier/

Partager sur Facebook
Partager sur Twitter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Articles récents

Catégories

Thèmes

Archives