Pour cette nouvelle entrevue mensuelle, Guy Bourgeois, conférencier, formateur, motivateur et Président de Formax reçoit Pierre-Olivier Zappa, nouveau conférencier chez Formax et animateur économie et finances, afin qu’il nous partage ses idées pour déjouer la pénurie de main d’œuvre.
Aujourd’hui, on rencontre une figure de plus en plus présente, du moins dans la dernière année, sur nos petits, moyens et grands écrans. Il a été chef d’antenne à TVA/LCN, animateur d’émissions à vos affaires et il a vulgarisé à peu près toutes les normes gouvernementales durant la pandémie.
ENTREVUE
Pierre-Olivier Zappa, bienvenu dans l’équipe Formax ! Puisque tu es spécialiste économique et que tu as une bonne image de ce qui se passe dans le monde des affaires, j’aimerais que tu nous partages tes suggestions pour déjouer la pénurie de main d’œuvre que toutes les entreprises vivent actuellement.
C’est fascinant de voir à quel point ce problème-là, durant la pire récession de l’histoire moderne – la pandémie – a pris des proportions stratosphériques. Qui aurait pu s’attendre à ce qu’on vive un ralentissement économique inédit, mais qu’en même temps, pendant que le taux de chômage atteignait des sommets, les entreprises éprouveraient des problèmes de recrutement dans des secteurs où on n’avait jamais vécu cette pénurie de main d’œuvre ?
Ça a été la tempête parfaite au cours des derniers mois. À la fois les aînés, les pré-retraités ou encore les retraités, qui continuent à être actifs sur le marché du travail, ont décidé de se retirer, souvent pour des raisons de sécurité, à la fois les plus jeunes, qui ont bénéficié parfois de subventions, de programmes d’aide, ont, eux aussi, choisi de se retirer du marché du travail. Certains ont décidé de retourner aux études ou d’entamer de nouveaux projets. Et, puis il y a des secteurs où c’était quasi impossible de recruter parce qu’on a fermé les valves de l’immigration pendant plusieurs mois et où on comptait beaucoup sur les travailleurs étrangers.
Il y a eu cette tempête parfaite qui a explosé dans nombre de secteurs et pas seulement au Québec, partout à travers le monde. Donc, c’est très déstabilisant pour des entrepreneurs qui n’avaient pas nécessairement de plan de match, qui n’étaient pas préparés à affronter ce genre de défi. Et ces gens-là doivent rapidement trouver des solutions.
Justement, est-ce qu’il y a des pistes de solutions ? Je sais que tu parles à beaucoup de gens, à des entrepreneurs qui sont innovants, qui ont des idées parfois hors du commun. As-tu des solutions à proposer ?
C’est ce qui me fascine, Guy, lorsque je parle à des entrepreneurs, et autant des chefs de multinationales ou encore de PME. Je vais te donner spontanément deux exemples.
Serge Godin, le co-fondateur de CGI, qui est président-exécutif aujourd’hui, m’a dit, il y a quelques années, « Notre objectif, c’est de doubler la taille de CGI ». Et, pour ceux qui ne connaissent pas CGI, c’est un peu comme Microsoft au Québec, c’est un géant des technologies de l’information. J’ai demandé à Monsieur Godin « Mais, comment entendez-vous doubler la taille de votre force de travail ? Comment recruter plus de 70 000 employés au cours des 10 prochaines années ? » Et il m’avait dit « La réponse est simple; on va demander à chacun de nos employés actuels de trouver un autre employé et comme ça, ça va fonctionner. Est-ce que ça passera par des incitatifs, est-ce qu’on aura des programmes de récompenses ? L’objectif est de convaincre chacun de nos employés à l’intérieur de l’entreprise d’aller recruter un proche, un ami, un ancien collègue. » Et Serge Godin ne semblait pas, du moins à l’époque, très inquiet par rapport à cette pénurie-là.
Et là, tu te tournes vers une PME et là je vais prendre l’exemple d’un concessionnaire de machinerie lourde de la Rive-Sud de Montréal, Vogel, qui cherchait désespérément des mécaniciens de machinerie lourde. Et ça, c’est assez rare en ce moment sur le marché de l’emploi. Pour se démarquer, cette entreprise-là a lancé un concours. « Vous réussissez à trouver le candidat qui va décrocher le poste et on vous offre un forfait-voyage tout inclus dans le Sud. » Évidemment, c’était avant la crise sanitaire ! Donc, de cette façon-là, l’entreprise, en lançant se concours et en le médiatisant sur les médias sociaux notamment, a réussi à trouver rapidement ses 4 mécaniciens et ça a même coûté moins cher que d’embaucher une firme de chasseurs de têtes.
Il existe des façons extrêmement originales et créatives de s’inspirer de ces initiatives-là pour trouver des solutions.
Évidemment, dans notre quotidien aussi, on est appelé à voir les effets de cette pénurie de main d’œuvre.
Je vais donner un autre exemple. Je suis actuellement dans Lanaudière, à la maison de campagne, et, hier, je devais aller à Saint-Jean-de-Matha et là j’ai eu un petit creux et je me suis arrêté dans un restaurant de Fastfood. Lorsque je suis arrivé, il y avait une belle pancarte sur laquelle il était inscrit : « Étant donné la pénurie de main d’œuvre et notre incapacité à recruter des caissiers et des caissières, on vous invite à commander sur notre tableau électronique. »
Alors, dans notre expérience de client, à tous les jours, on ressent de plus en plus les effets de la pénurie de main d’œuvre. Que ce soit à travers notre expérience ou que ce soit à travers la facture, parce qu’évidemment, si les entreprises doivent débourser davantage, que ce soit pour donner des avantages ou bonifier la rémunération des employés, c’est le consommateur ou le client qui va devoir mettre la main dans sa poche.
Certains experts, Pierre-Olivier, disent qu’une partie de la solution de la pénurie, c’est aussi une certaine flexibilité avec les personnes âgées. On le voit, entre autres, dans le commerce de détail, dans certains magasins, quincailleries ou autres. On y voit souvent des personnes plus âgées et qui ont de l’expérience. Il y a donc aussi une ouverture avec les personnes âgées et qui ont peut-être un trois jours par semaine à donner. Ça aide tout le monde !
Et, c’est une expertise qui est inestimable, Guy. Je te parle, en ce moment, à partir d’un gazébo que j’ai construit moi-même. C’était mon projet du printemps dernier. Et, heureusement, j’ai pu compter sur l’expertise des conseillers de la quincaillerie du village, qui ont tous 60-65 ans et plus, qui ont travaillé dans le domaine de la construction, qui sont à la retraite et qui sont à 3-4 jours/semaine. Ce sont ces conseillers-là qui m’ont expliqué comment poser du bardeau sur mon toit ou encore comment m’assurer que la structure qui soutient le gazébo est assez solide. Et, c’est grâce à eux que je suis retourné à cette petite quincaillerie de village et que je n’ai pas acheté mes matériaux ailleurs.
Pour une entreprise, ces travailleurs expérimentés-là ont souvent une valeur inestimable et sont aussi des employés d’une autre génération qui n’ont pas le même rapport au travail et à l’emploi. Ce sont des gens qui sont extrêmement fidèles. Je ne suis pas en train de dire que les milléniaux ne sont pas fidèles, mais ils ont un rapport qui est différent avec le travail et avec leur employeur et leur patron.
Il y a aussi d’autres bassins de main d’œuvre que je pourrais te mentionner, par exemple les personnes qui doivent composer avec un handicap et qui sont souvent sous-estimés par les entreprises. Ces gens-là ont souvent des capacités incroyables à développer, à perfectionner et à mettre en œuvre au sein des entreprises. Je suis toujours encouragé lorsque je me déplace dans une entreprise pour réaliser une entrevue ou un reportage et que je vois cette diversité au sein de la main d’œuvre. Je me dis qu’il y a là une compréhension que le défi de la pénurie de main d’œuvre passe par des solutions qui sortent de l’ordinaire.
Il y a un paquet de pistes de solutions finalement. Évidemment, tu pourras en parler beaucoup plus dans une conférence que tu prononces sur le sujet, dès cet automne ! Merci Pierre-Oliver de ton temps et tes idées !
Bon succès !
Guy Bourgeois
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