Entrevue avec Jean-François Caron : La résilience

Pour cette nouvelle entrevue avec l’un de nos conférenciers, Guy Bourgeois, conférencier, formateur, motivateur et Président de Formax, reçoit notre conférencier Jean-François Caron pour parler de résilience.

Homme fort québécois, Jean-François Caron a remporté plusieurs championnats à travers le monde.

ENTREVUE

Jean-François, peux-tu nous raconter ce qu’il s’est passé au mois de mars 2022 ?

En mars 2022 avait lieu le Arnold Classic, l’une des plus grosses compétitions d’hommes forts de l’année. J’avais un très bon début de compétition, mais lors de la troisième épreuve, au soulevé du bio, je me suis sectionné les deux tendons des quadriceps, ce qui a mis fin à la compétition pour moi.

Qu’est-ce que ça signifie, tu as ressenti de la douleur ou tout a lâché d’un coup ?

Premièrement, tout lâche puisqu’en sectionnant le tendon du quadricep, tout le muscle de la cuisse lâche au complet, donc tu tombes au sol.

La douleur était assez intense, surtout quand on a essayé de me bouger pour me sortir de là. On était sur une plateforme surélevée en bois et, finalement, ils ont dû me déplacer allongé sur la plateforme puisque je ne pouvais pas bouger.

La douleur était lâ, mais ce n’est pas la douleur qui m’a donné le « choc ». Je savais exactement ce qu’il venait de se passer et je savais ce qui viendrait par la suite.

Lorsqu’on fait ce que tu fais, on est toujours sur la limite de notre capacité physique, donc toujours sur la limite que quelque chose lâche. Avais-tu anticipé qu’un événement de ce genre pourrait arriver un jour ?

Oui, beaucoup. Et, je l’ai dit souvent en entrevue et en conférence.

Les gens me posent souvent la question : « Quand vas-tu arrêter ? » Chaque fois, je me dis : « Ce n’est pas toi qui décides ». Ça se décide tout seul et c’est ce qui est arrivé en mars.

Le risque est là. Le risque d’un accident est toujours là. J’ai quand même été chanceux durant ma carrière. J’ai compétitionné pendant plus de 20 ans. J’ai fait au-dessus de 250 compétitions d’hommes forts et de power lifting.

Lorsqu’on fait ce que je fais, il faut s’y en attendre. Si c’est une surprise pour toi le jour où ça arrive, tu vis dans un autre monde.

Moi, je prends toujours la prochaine compétition qui s’en vient comme si ça pouvait être la dernière.

C’est finalement ce qu’il s’est passé au mois de mars.

Qu’est-ce que ça va changer dans ta vie cet accident ? Vas-tu pouvoir revenir en compétition ? Mentalement, qu’est-ce qui se passe ?

C’est certain que ça change plein de choses. Je pourrais redevenir compétitif tant que ça reste un hobby. Je pourrais faire des démonstrations et peut-être compétitionner au Canada ou quelque chose comme ça. Mais, je vais être franc avec vous. Revenir au niveau que j’étais le 5 mars au matin, je pense que c’est impossible. Je vais avoir 40 ans à la fin de juin. Si on parle d’un an de réhabilitation et qu’ensuite tu dois reprendre cette force-là, t’en as pour une ou deux autres années. Et là, tu es rendu à 43 ans. Avec les jeunes qui poussent maintenant, je ne pense plus que je serais capable de faire du Top 5 mondial comme j’ai fait durant les dernières saisons.

L’année dernière, j’ai fini dans le Top 5 de toutes les compétitions que j’ai faites. Et quand tu réussis à avoir ce genre de résultats, ça devient intéressant au niveau financier. Là, tu peux vivre de ton sport.

Je ne pense pas que maintenant je pourrais le faire, mais je pourrais encore m’amuser avec ça. Mon nom est fait dans le domaine. Mais je sais que je ne pourrai pas faire ça pour le restant de mes jours. Je ne veux pas non plus aggraver mes genoux. Là, ça revient super bien, mais si je les brisais une autre fois, je me demande ce que ça ferait.

Mentalement et moralement, ça fait quoi ? On sait que pour beaucoup d’athlètes, mettre fin à sa carrière est difficile. Que se passe-t-il dans la tête de Jean-François Caron ?

Il y a beaucoup de déception, c’est certain. Surtout que j’étais en très bonne position dans cette compétition-là pour faire le podium. Mais ce sont des choses qui arrivent, ça fait partie de la « game », tout comme pour un joueur de hockey qui se blesse.

Je regarde plutôt les souvenirs que j’ai eu là-dedans. Le temps que je l’ai fait, j’ai eu beaucoup de plaisir à le faire. Je suis très fier d’avoir pu vivre de mon sport pendant des années. Mais je savais qu’à un moment ou à un autre, il faudrait que j’arrête.

Je me dis aussi que si cet arrêt forcé n’était pas arrivé, j’aurais peut-être eu beaucoup de difficulté à le faire par moi-même.

C’est une manière positive de voir ça. Est-ce que dans ce monde des hommes forts, tu as reçu une sorte de support, ne serait-ce que moralement ?

J’ai eu un très gros support des autres athlètes. Nous ne sommes pas des milliers d’athlètes. Les compétitions que vous voyez regroupe généralement les 10-15-20 mêmes gars en rotation. Ce n’est pas accessible à beaucoup de gens. Le Top 10 mondial, ça reste pas mal tout le temps les 10 mêmes. Il en arrive un nouveau une année et il en part un. Donc, on voyage beaucoup ensemble, on se voit beaucoup.

Si vous revoyez la vidéo de l’accident, on voit les visages des gars autour…

J’ai aussi déjà été dans la situation du gars qui voyait quelqu’un se blesser. Ce n’est pas le fun, tu ne souhaites pas ça à personne. Et après, c’est à ton tour de performer, ça brise un peu le momentum.

On sait que tu es entrepreneur, tu as un gym, tu fais des conférences… Quelle est la suite pour toi JF ?

La suite présentement pour moi, c’est que je me suis remis au travail. J’ai toujours été quelqu’un de très travaillant, mais je mettais tous mes efforts dans l’entraînement et dans les compétitions. Là, il y en a plus, donc je travaille sur autre chose.

J’ai remis en marche mon coaching en ligne qui fonctionne très très bien. J’ai débuté un emploi à temps plein comme estimateur en construction. Et il y a le circuit des hommes forts qui recommence enfin, après deux ans d’arrêt. J’ai cinq événements cette année, donc j’ai beaucoup de pain sur la planche pour l’été.

Ce ne sont pas tous les festivals qui sont repartis encore, puisque ça prend environ un an à organiser. Donc, on prévoit un retour à la normale en 2023.

Merci Jean-François pour ta participation et je te félicite pour ta résilience. Personne ne peut s’imaginer comment on pourrait se sentir face à ce genre de défi. Tu as l’air serein et positif face à l’avenir ! Tu es un bel exemple et on te souhaite le meilleur !

Bon succès !

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